Les
bases de la photographie argentique
Techniques de laboratoire
(III)
Inversion
en noir et blanc
Il
s'agit d'une suite d'opérations qui permettent d'obtenir une image positive sur
la même couche qui a reçu l'image négative. En d'autres termes cela nous
permet d'obtenir une diapositive noir et blanc (slide). Le support porte alors
le nom de "film inversible dont les caractéristiques sont :
-
L'épaisseur
de la couche d'argent est moins épaisse q'un négatif car la lumière devra
passer au travers
-
L'image est développée à un contraste plus élevé qu'en négatif : il en
résultera une différence plus prononcée entre les hautes et les basses
lumières (gamma plus élevé), la gamme de gris sera de ce fait moins
étendue mais l'effet sera plus beau visuellement car les tonalités seront
plus contrastées en comparaison d'un film traditionnel traité par ce
procédé.
Les
opérations à suivre sont dans l'ordre :
-
Premier développement, classique, il formera l'image négative
-
Bain d'inversion chimique
-
Bain de clarification
-
La
réexposition à la lumière ou quelquefois chimique
-
Le deuxième développement
-
Le traitement normal, arrêt, fixage, lavage et séchage du film.
Inversion
couleur
Les
films inversibles couleurs sont semblables aux films négatifs mais seront
inversés pour donner nos diapositives couleurs. Ainsi l'Ektachrome 200
développé dans un bain négatif couleur ne donnera jamais de diapositive. Il
faudra utiliser un bain spécifique tel le kit E-6 de Kodak. Le temps de
traitement atteint 75 minutes, séchage compris.
Kodak
impose toutefois que ses films inversibles (series Elite) soient traités dans ses
installations, certains procédés chimiques n'étant pas réunis chez l'amateur.
Un
système d'inversion différent consiste à détruire le colorant. Le fameux Cibachrome
et ses dérivés actuels tels l'Ilfochrome vous permettront de réaliser, comme pour un tirage de négatif
couleur, des épreuves papiers de vos diapositives.
Les
trois couches du papier contiennent respectivement les colorants jaune, magenta et cyan. L'image s'obtient par destruction du colorant proportionnellement à la
quantité d'argent formé lors du développement.
Ce
bain de développement est très nocif et même mortel s'il est
assimilé par l'organisme, son pH étant presque égal à 0. Avant de le jeter
il doit au préalable être neutralisé avec une basse forte. Sans cette
précaution obligatoire votre canalisation subirait quelques dommages...
Ce
procédé doit donc être manipulé avec soin, donc attention à la manipulation !
Mais ne vous faites pas de souci toutes les recommandations et les produits sont
fournis avec le kit.
L'affaiblissement
C'est
une opération qui consiste à diminuer la densité d'un négatif qui, par
exemple, présente des densités trop élevées suite à un séjour prolongé
dans le bain de développement (un oubli !), ou pour réduire le contraste de
l'image.
Si
cette opération est poursuite jusqu'au bout il y a dissolution complète de
l'image argentique et il ne vous restera entre les mains que le support du film,
la gélatine !
En
couleur cette opération d'élimination des images argentiques porte le nom de
blanchiment.
L'affaiblissement
superficiel attaque en surface le film et diminue la densité uniformément sans
modifier le contraste. Le plus utilisé est le produit à base de ferricyanure
de potassium (K3Fe(CN6))
ou uu affaiblisseur de Farmer.
L'affaiblisseur
surproportionnel agit en profondeur, attaquant plus les ombres que les parties
claires, d'où une diminution du contraste surtout au niveau des densités
élevées. Les affaiblisseurs utilisés seront la quinone et le persulfate
d'ammonium.
Le
renforcement
Cela
consiste à augmenter les densités d'une image photographique, son contraste,
à condition que les images soient inaltérables car elles serviront de support
au nouveau produit.
La
technique consiste à tremper au préalable le film dans l'eau pendant 15
minutes de manière à laisser gonfler la gélatine correctement. L'agent de
renforcement le plus utilisé est le chlorure mercurique HgCl.
Composition
des solutions :
Renforcement |
Solution
A : |
Chlorure
mercurique
Chlorure
de sodium
1l
d'eau |
:
20 g
:
10 g |
Solution
B : |
Chlorure
mercurique
Acide
chlorhydrique
1l
d'eau |
:
20 g
:
23 cc |
|
L'opération
se fait en deux fois : un blanchiment avec la solution A suivie du renforcement
avec la solution B.
Notons
que le virage est en soi un système de renforcement mais ici l'effet
recherché est tout autre, esthétique principalement, et bien souvent réalisé
au niveau du positif (papier).
Si
les opérations d'affaiblissement ou de renforcement ne sont ni difficiles ni
compliquées, elles n'en restent pas moins délicates à mener correctement et
les résultats ne sont pas toujours encourageant.
Généralement
elles s'appliquent à des clichés présentant des défauts tels qu'ils ne
peuvent être récupérables par des méthodes classiques de contrôle du temps
de développement, masquage positif, travail sur papier d'autres gradations...
Exemple,
un négatif trop doux sera copié sur un papier dur ou extra dur, à gamma dit
élevé (gradation 5 ou 6). De plus il existe des révélateurs donnant des images
plus dures, enfin, la prolongation du temps de développement en positif
accentuera le contraste de l'épreuve.
Mais
le cliché qui malgré tout ne donne pas encore toute satisfaction devrait être
considéré comme irrémédiable par l'amateur ! L'affaiblissement, ou le
renforcement, peut l'améliorer mais vous ne parviendrez jamais à en faire un
bon négatif.
Il
faut enfin signaler que le renforcement accentue les petits défauts, les
poussières, les empreintes, les griffes, qui peuvent passer inaperçu sur un
cliché ordinaire.
L'harmonisation
Pour
équilibrer les densités d'un négatif à la fois qui serait à la fois
surexposé dans les hautes lumières et sous-exposés dans les zones d'ombres,
outre la technique bien connue du masque flou ou du masque manuel,
l'harmonisation est un traitement chimique similaire à l'affaiblissement
proportionnel.
La
technique consiste à plonger le film développé dans l'eau pendant 10 minutes
au moins pour faire gonfler la gélatine et permettre au produits de pénétrer
plus facilement par la suite. Il faut ensuite blanchir le négatif, c'est-à-dire soustraire l'argent métallique en surplus en plongeant le
négatif dans le bain suivant :
Bain
de blanchiment :
Blanchiment |
Sulfate
de Cuivre
Chlorure
de Sodium
Acide
sulfurique à 10% |
:
5 g
:
5 g
:
1 cc |
1
litre d'eau non calcaire, de préférence |
|
Lorsque
le négatif est d'un blanc uniforme, rincez-le longtemps à l'eau courante pour
évacuer les produits de traitement et développez-le à nouveau en pleine
lumière avec un révélateur dilué trois fois puis procédez aux étapes
habituelles d'arrêt, fixage, lavage et séchage du film.
Le
contraste optimal ne sera peut-être pas obtenu dès la première fois si le
film présentait un contraste trop élevé. Dans ce cas vous pouvez renouveler
le traitement.
Cette
technique remonte le voile de base du film et peut effacer les plus faibles gris
enregistrés. Comme nous le voyons, une solution apporte un nouveau problème.
Mais n'est-ce pas le lot de toutes les disciplines où une réponse apporte une
autre question...
Sachez
seulement que les options sont multiples. Choisissez avant tout la méthode que
vous maîtrisez le mieux ou qui vous semble la plus facile à mettre en oeuvre
compte tenu de vos connaissances. En l'exploitant jusque dans ses moindres
recoins, vous obtiendrez certainement des documents exceptionnels.
La
désensibilisation
Son
avantage consiste à abaisser la sensibilité d'une émulsion pour toutes les
longueurs d'onde.
Le
produit doit s'utiliser avant le bain de développement par immersion du film.
On peut également l'ajouter au révélateur. Il sera absorbé par les cristaux d'AgBr. Lors
de la désensibilisation il y a transfert de l'énergie captée par le
sensibilisateur (cyanine) sur le désensibilisateur.
Notons
que la réaction est accélérée en présence d'oxygène.
Rappelons
que de part la nature des grains d'AgBr il n'est pas possible de désensibiliser aux
rayonnements bleu et ultraviolet.
En
noir et blanc et pour les émulsions orthochromatiques, on utilise l'Ecarlate
basique N tandis que pour les émulsions panchromatiques on se tournera vers la
phénosafrasine. On fait agir le produit sur l'émulsion en obscurité totale
durant 2 à 3 minutes. D'une coloration rouge-violacée il teint les doigts mais
s'élimine sans aucun problème au lavage.
Pour
les émulsions très sensibles, on pourra employer le Vert de Pinacryptol
(1/5000e).
L'hypersensibilisation
En
astrophotographie et principalement à propos des objets du ciel profond (nébuleuses et galaxies), si nous prolongeons le temps
d'exposition, vous vous apercevrez vite qu'à partir d'un certain temps il n'y a plus de détails
supplémentaires sur le négatif et au contraire que celui-ci est recouvert
d'un léger voile, d'une densité pouvant aller jusqu'à noyer les plus fins
détails que vous aviez si patiemment enregistrés.
Sans
y avoir pensé, il s'agit de la limite au-delà de laquelle il y a "échec
à la Loi de réciprocité", loi qui lie la quantité de lumière reçue et
le temps d'exposition sur votre film.
Tout
cela est bien barbare pour dire qu'il ne faut plus doubler le temps de pose pour
photographier un objet deux fois moins brillant, mais d'une valeur supérieure :
pour fixer les idées alors qu'au rapport focal f/1.5 un télescope nécessite
par exemple un temps d'exposition de 15 minutes pour enregistrer un objet donné, il demandera 4 heures de pose au rapport f/6 -(6/1.5)2- ! Or en photographie classique il suffit de doubler le
temps d'exposition pour compenser une luminosité de moitié, c'est la Loi de
réciprocité.
Malheureusement
cette simple loi ne s'applique pas aux films utilisés pour la photographie
astronomique, que ce soit en noir et blanc ou en couleur. Il y a un niveau en-dessous duquel un faible
éclairement, quelque soit le temps d'exposition, ne sera pas enregistré par l'émulsion. Nous sommes sous
le seuil de sensibilité du film, c'est l'effet Schwarzschild.
C'est
pour pallier à ce désagrément et ces temps de poses vraiment "cruels"
qu'on trouve sur le marché des films hypersensibilisés par des techniques chimiques
(maintient dans le froid à -79°C ou hypersensibilisation au gaz H/N) dont l'effet
abaisse radicalement le seuil de sensibilité de ces films, autrement dit de reculer
la limite d'application de la Loi de réciprocité. Nous reviendrons sur le sujet
dans l'article consacré à l'hypersensibilisation.
Toutefois,
depuis l'avènement des caméras CCD, l'hypersensibilisation est une technique
en voie de disparition. Elle n'est plus utilisée que par quelques
"puristes" fans de photographie argentique.
La
toxicité des produits photochimiques
En
marge de cet article, à l'heure où nous nous préoccupons de la qualité de
notre environnerment et plus que jamais de notre santé, tout laborantin
argentique doit se rappeler que les produits photochimiques sont nocifs pour la
santé et pour l'environnement.
Les
produits de développement sont dangereux pour les écosystèmes et notamment
pour les eaux car ils sont peu biodégradables et en partie toxique pour les
poissons. Ainsi, les révélateurs sont nocifs; ils contiennent des composants
aromatiques (benzènes) dérivées du phénol notamment (hydroquinone, phényl,
etc). Les fixateurs ont peu d'effets mais certains peuvent déclencher des
réactions allergiques. Les bains d'arrêt constitués d'acide acétique et/ou
du formaldéhyde irritent la peau et peuvent également provoquer des allergies.
Les bains de blanchiment utilisés dans les laboratoires couleur contiennent des
produits extrêmement toxiques voire supposés cancérogènes (par ex.
l'hexacyanoferrate ou le dichromate). Une fois utilisés, comme les huiles ou
les piles usagées, ces produits doivent être déposés dans une décharge
spécialisée pour ne pas polluer l'environnement.
Certains
de ces produits pourront être recyclés. Ainsi l'argent contenu dans les bains
fixateurs est récupéré. En revanche, les bains d'arrêt et de blanchiment
ainsi que les mélanges doivent faire l'objet d'un traitement thermique dans une
installation chimique appropriée.
Dernier chapitre
L'exploitation
des photographies |